Il était d’abord la cible des critiques les plus acerbes de la part des Marseillais, aujourd’hui il semble enfin faire l’unanimité. Bouna Sarr est parvenu à renverser la tendance et symbolise à lui seul la culture du jugement instantané qui berce le monde du football à l’heure actuelle.

Saint-Étienne (Loire), vendredi soir. Fort d’un début d’année plus que réussi (sept victoires, un nul, toutes compétitions confondues), l’Olympique de Marseille se déplace dans le Forez avec l’espoir de poursuivre sur sa lancée. L’équipe tourne bien, l’entraineur Rudi Garcia semble enfin être en mesure d’imposer les principes de jeu qui lui sont chers, et surtout, des individualités parfois décriées finissent par se révéler pleinement.
Si les performances de plus en plus abouties de Florian Thauvin ou de Valère Germain ne surprennent que les, celles de Bouna Sarr, elles, ne peuvent qu’étonner. D’autant plus que le franco-guinéen évolue arrière droit, un poste qui n’est pas le sien et auquel il s’est pourtant très vite acclimaté. Implication défensive, application dans la relance et apport offensif remarquable, l’ancien messin finit par s’imposer après deux saisons pendant lesquelles il était souvent la source de railleries par les supporters marseillais.
Face aux Verts, vendredi dernier, Bouna Sarr a une nouvelle fois livré une prestation sérieuse, un peu ternie, certes, par un marquage laxiste sur le but égalisateur de Robert Beric, mais ponctuée par une superbe passe décisive pour Morgan Sanson. Pourtant, son repositionnement forcé par le manque de profondeur du banc marseillais posait légitimement question, et ses premières sorties ne laissaient présager rien d’autre qu’un pari raté de Rudi Garcia. Mais force de travail et d’abnégation, le natif de Lyon a fini par convaincre, par séduire même, au point de proposer une véritable alternative au poste d’arrière droit à Marseille. Tellement qu’il serait même suivi par le sélectionneur de l’équipe de France Didier Deschamps, et postulerait, pourquoi pas, à une participation à la Coupe du Monde en juin prochain.
Période sans et capacités intrinsèques
En comparaison avec un sport individuel comme le tennis, où une mauvaise performance est souvent liée à une période de moins bien, au football le moindre mauvais match d’un joueur peut tout à fait remettre en question son niveau intrinsèque. Et il en est même pour les entraineurs. Depuis son arrivée sur le banc du Réal Madrid en janvier 2016, tout souriait à Zinédine Zidane. Deux Ligue des Champions, un championnat d’Espagne et une légitimité qu’il n’a pas tardé à imposer à tous. Oui mais deux ans plus tard, l’ancien international français vit sa première période de doute à la tête de la Maison Blanche. Suffisant pour que certains observateurs jugent que Zidane « n’est pas un grand entraîneur », ou encore « qu’il n’a pas les épaules pour diriger une équipe comme le Réal ».

C’est là le danger que peuvent représenter les jugements hâtifs, rapides, instantanés qui fleurissent chaque semaine sur les plateaux télés comme sur les réseaux sociaux. Un bon match le mercredi et le joueur est adulé, un moins bon le dimanche qui suit et on estime qu’il a tout simplement été surévalué. Bouna Sarr, lui, a été critiqué pendant un an et demi, et probablement à juste titre, avant que l’opinion des supporteurs marseillais ne change peu à peu. Mais qui peut garantir que s’il rate son prochain match, les avis négatifs ne resurgiront pas aussi rapidement ?
Jérémie Richalet
Crédit photo d’ouverture : OM.net