Le 6 février 1998, le préfet de Corse Claude Erignac était assassiné dans les rues d’Ajaccio par des militants indépendantistes corses. Retour sur un évènement marquant, dans un climat actuel caractérisé par les volontés d’indépendance toujours plus importantes d’une partie de la population locale.

Il est environ 21h, dans le centre ville d’Ajaccio, lorsque Claude Erignac, préfet de Corse depuis près de deux ans, dépose sa femme Dominique devant le théâtre du Kalisté. Le couple doit y assister à un concert de musique classique. Il gare sa voiture non loin du lieu de spectacle, lorsqu’il est pris pour cible par un commando composé par deux tueurs.Il est atteint par trois balles, l’une dans la nuque à bout portant, puis deux autres dans la tête alors qu’il est à terre. L’arme du crime est déposée près de son corps son vie : un Beretta 92F, volé quelques mois plus tôt lors de la prise d’otage d’une caserne de la gendarmerie à Pietrosella (Corse-du-Sud).
Très vite, l’assassinat sanglant d’un représentant de la République suscite l’indignation. Trois jeunes hommes sont d’abord arrêtés dans les jours qui suivent l’opération commando, puis rapidement relâchés faute d’éléments concrets à leur encontre. La piste d’une action menée par les groupuscules indépendantistes corses est par la suite envisagée, six individus sont arrêtés, et tous, ou presque, désignent un homme comme le tueur de Claude Érignac : Yvan Colonna. Le suspect a 38 ans au moment des faits, a grandi à Nice puis s’est installé en Corse où il a fait son service militaire. Il abandonne rapidement les études pour se consacrer pleinement à son activité de berger, et milite en parallèle pour le Front de libération nationale corse (FNLC). Lorsque les diverses interpellations sont menées en Corse, Colonna parvient à échapper à la police, et se réfugie dans le maquis corse, qu’il connaît par coeur grâce à sa profession. La veille de sa fugue, pourtant, le militant accordait une interview à la télévision au sujet de l’assassinat de Claude Érignac.
Souffle d’indépendance
Yvan Colonna est finalement rattrapé quatre ans plus tard, et Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur à l’époque, prononce cette phrase malheureuse : « La police française vient d’arrêter Yvan Colonna, l’assassin du préfet Érignac ». Malheureuse parce qu’aucun procès n’avait encore eu lieu, et a fortiori aucune peine n’avait été prononcée contre le suspect, constituant une grave entorse à la présomption d’innocence. Condamné par la suite à la prison à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de 22 ans, l’indépendantiste Colonna est pourtant soutenu par une partie de la population corse. Des manifestations s’en suivent, qui regroupent parfois des milliers de personnes, pour protester contre le verdict du procès. Les stèles du préfet Érignac sont régulièrement vandalisées. L’affaire oppose dès lors indépendantistes, et anti-indépendantistes.
Et vingt-ans plus tard, cette opposition semble toujours aussi marquée en Corse. La semaine dernière, Emmanuel Macron était sur l’île de beauté, d’une part pour l’hommage au préfet Érignac, d’autre part pour rencontrer Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, les deux leaders de l’indépendantisme corse. L’enjeu est simple : intégrer une mention spéciale de la Corse dans la Constitution, pour renforcer le statut autonomiste de la région.
Jérémie Richalet
Crédit photo de couverture : A.Fournil