Marcelo Bielsa, son idéal contrarié

Deux victoires en onze journées de championnat, un effectif peu réceptif à ses idées, des supporters en colère, Marcelo Bielsa cristallise depuis quelques semaines toutes les critiques au sujet du nouveau projet lillois. Si l’entraineur argentin assume régulièrement sa responsabilité quant aux débuts poussifs de son équipe, il semble confronté à des difficultés plus profondes, propres au football d’aujourd’hui.

Marcelo Bielsa, confronté aux difficultés du football actuel – Photo : Goal

Dimanche 6 août 2017, 17h. La tête basse, comme souvent, Marcelo Bielsa rentre rapidement s’enfermer dans son bureau du stade Pierre Mauroy, bientôt rejoint par sa flopée d’adjoints. Son équipe vient pourtant de facilement l’emporter face à Nantes, mais lui est déjà plongé dans la semaine de travail qui l’attend. Près de trois mois plus tard, cette victoire inaugurale reste l’une des deux seules du LOSC cette saison championnat. De son LOSC, celui qu’il a reconstruit de long en large cet été, de l’effectif professionnel aux équipes de jeunes, en passant par l’aménagement du Domaine de Luchin, le centre d’entrainement du club.

Si la mise à l’écart d’anciens cadres peut poser question, tout comme le recrutement de jeunes talents qui peinent à confirmer, Bielsa se heurte surtout à la défiance de son groupe plus tôt que prévu. Plus tôt qu’a Bilbao, plus tôt qu’à Marseille. Récemment, la presse française relatait les propos de certains joueurs qui se plaignent en interne des choix de l’entraineur argentin. Soit de leur mise à l’écart, soit de leur repositionnement forcé sur le terrain, qui parfois surprennent.

De la difficulté de transmettre ses idées

Qu’il entraine ou qu’il n’entraine pas, Bielsa pense, théorise, tente de réinventer sans cesse le sport qu’il affectionne, le sport qu’il a vu évolué depuis qu’il s’y consacre. Mais « El Loco » est aujourd’hui confronté à la difficulté de transmettre et de faire appliquer ses idées si particulières, si poussées, si pensées sur le football à ses joueurs. Tout est travaillé méticuleusement, des simples combinaisons avec le ballon à l’étude du prochain adversaire. Trop méticuleusement, peut être, pour certains, pour qui la répétition des mêmes exercices chaque semaine devient lassante. L’aspect perfectionniste de Marcelo Bielsa ne lui est pas propre, mais lui le pousse parfois à l’absurde. Chaque composante du jeu doit être parfaitement maitrisée par son groupe pour être prêt le jour J, pour savoir réagir à toutes les situations susceptibles de se présenter.

Cette obsession pour la perfection, Bielsa tente de la communiquer à ceux qu’il côtoie au quotidien, à son staff, à ses joueurs. Il est un passionné, un vrai, et considère que chaque personne qui vit du football doit l’être tout autant que lui. Or il est aujourd’hui confronté à une génération peut-être moins concernée par tout ce travail en amont et nécessaire au progrès personnel comme collectif. Des joueurs pour lesquels la performance individuelle compte parfois plus que l’équipe, pour qui la nécessité de briller est essentielle, celle d’être décisif obsessionnelle. La « méthode Bielsa » est elle basée sur un esprit d’équipe qui pousserait chaque joueur a décupler ses efforts pour les autres. Ses six premiers mois à l’Olympique de Marseille en sont le symbole même.

De l’urgence comptable dans le football

Dans L’Équipe du lundi 30 octobre, au lendemain d’une nouvelle défaite de Lille face à l’OM, justement, Melisande Gomez concluait très justement son éditorial en expliquant « Le seul problème au fond, c’est cette histoire de victoire, de défaite et de points à prendre. Pour tout le reste, Bielsa est parfait ». Le football d’aujourd’hui n’est basé – et heureusement pour l’aspect compétitif finalement – que sur la nécessité du résultat, et le plus rapidement si possible. Bielsa, lui, se veut pointilleux sur la manière dont se construit le résultat. Et peu importe si le résultat n’est pas immédiat, « El Loco » inscrit son travail dans la durée.

Marcelo Bielsa, lors d’un séminaire sur le football organisé au Brésil, début 2017 – Photo : iconSport

Or le temps, les clubs n’en ont plus, les supporters non plus. Lorsque les premiers « Bielsa, démission ! » descendent des travées lilloises dimanche dernier, l’urgence comptable rattrape l’Argentin. Il doit s’adapter, il le sait, quitte à négliger certains aspects qui lui sont chers. Mais il ne s’adaptera pas. En mai dernier, alors l’invité d’un séminaire sur le football au Brésil, une question lui est adressée quant à l’influence qu’il a pu avoir sur Jorge Sampaoli, souvent décrit comme son disciple. « Sampaoli est meilleur que moi, car lui est flexible, et sait s’adapter ». Bielsa est lucide quant à son extrême rigidité, mais n’y dérogerait pour rien au monde. Même quitte à l’éloigner temporairement de « son » football.

 

Jérémie Richalet

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